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Nombre de personnes me demandent comment bénir "correctement."  Je ne connais pas la réponse et je ne sais même pas ce qu’est une bénédiction "correcte". Les religions se sont perdues dans la recherche de formes "correctes" qu’elles soient liturgiques, vestimentaires, alimentaires, dans telle forme de prière ou récitation de textes ou de mantras, que sais-je. Et elles ont oublié trop souvent que le désir profond de faire le bien et d’aimer est l’expression la plus profonde d’une spiritualité authentique. Ce conte de Tolstoï le fait merveilleusement ressortir (PP)

Les Trois Ermites
Une vieille légende de la région de la Volga
(Un conte de Tolstoï abrégé par nos soins)

Un évêque voyageait sur la mer en direction du monastère de Solovétsk. Il y avait de nombreux pèlerins sur le bateau et un pécheur de la région lui parla à un moment de trois ermites qui vivaient sur une petite île que le navire allait passer et qui passaient tout leur temps à prier. L’évêque eut envie de faire leur connaissance et demanda au capitaine si le navire pourrait s’arrêter, le temps pour lui de faire leur connaissance. Comme dans ce temps-là en Russie la requête d’un évêque ne se refusait pas, on descendit l’ancre et on para les voiles et on mit à la mer un canot avec deux marins qui amenèrent l’évêque vers ses paroissiens. Ces derniers l’attendaient sur le rivage.

C’était de tout évidence des hommes extrêmement simples, voire frustres. Le plus âgé devait avoir bien plus de cent ans et un regard d’enfant qui souriait sans cesse dans un visage qui rayonnait la lumière. L’évêque leur expliqua qu’ayant la charge de son troupeau – les croyants de son diocèse – il venait voir ce qu’il pourrait leur apprendre Il leur demanda comment ils priaient. Ils expliquèrent qu’ils répétaient à longueur de journée la même prière: "Vous êtes trois, nous sommes trois, ayez pitié de nous."

L’évêque leur dit qu’ils avaient évidemment compris quelque chose concernant la Trinité, mais que ce n’était pas la bonne façon de prier. Il se mit alors à leur enseigner le Notre Père.

L’évêque passa la journée entière à leur apprendre la prière. Ces hommes très simples et sans instruction emmêlaient les mots, les répétaient de travers et l’évêque pouvaient répéter un mot des dizaines et des dizaines de fois avant qu’il soit mémorisé. Finalement, à la fin de la journée, les trois ermites pouvaient répéter la prière en entier.

Il commençait à faire nuit et la lune se levait quand l’évêque prit congé de ses fidèles qui se courbèrent jusqu’à terre et retourna finalement au bateau, avec les voix des trois hommes récitant leur nouvelle prière qui se perdirent petit à petit dans la distance. Il resta longtemps sur le pont, regardant en direction de l’île qui finalement disparut à l’horizon.

Ne désirant pas dormir, il resta sur le pont près du timonier. C’était une nuit splendide. A un moment, il vit une lumière brillante qui semblait venir après le bateau. Soudain, il reconnut les trois ermites qui glissaient sur l’eau, comme s’ils marchaient sur la terre ferme. Il réveilla le timonier qui regarda et, reconnaissant à son tour les trois ermites, en lâcha le gouvernail de terreur. Il poussa un cri et les pèlerins, en l’entendant, accoururent vers l’arrière du bateau.

Les trois hommes arrivèrent à la hauteur du navire en glissant sur l’eau, sans même bouger leurs pieds. Levant leur tête vers l’évêque stupéfait, ils crièrent ensemble: "Nous avons oublié votre enseignement, serviteur de Dieu. Nous ne pouvons plus le répéter. Enseigne-nous à nouveau."

L’évêque fit le signe de la croix en se penchant vers eux.  "Votre propre prière atteindra le Seigneur, hommes de Dieu. Ce n’est pas à moi de vous enseigner. Priez pour nous pécheurs."

Et l’évêque se courba profondément devant les trois vieux qui se retournèrent pour rentrer vers leur île. Et une lumière brilla jusqu’à l’aube à l’endroit où on les perdit de vue.

(Ecrit en 1886)